INTERVIEW EXPRESS par e-mail : 03 questions
à Mademoiselle Leïla MEKHTICHE contact halal du Groupe Sécurité Alimentaire
chez ADRIA NORMANDIE
"il est important pour le consommateur musulman
de pouvoir avoir une garantie de la consommation
licite du produit qu’il achète. "
Mots clés : industrie alimentaire /agroalimentaires/techniques/technologie /transformation/
recherche et innovation/ haccp/produits halal
Bonjour
1- Un livre, un ingienoriat en technologie alimentaire, quel est votre cursus pour
une spécialisation des produits halal ?
Sortie en 1995 d’une formation BTS en industrie alimentaire option transformation des viandes,
j’ai intégré le Centre Technique de la Salaison, Charcuterie et Conserves de Viandes (CTSCCV)
en 1999 après 2 ans au poste de responsable adjointe d’un laboratoire d’analyse sensorielle.
Entre 2001 et 2005 en alternance avec mon emploi, j’ai préparé et obtenu le diplôme d’ingénieur
des techniques des industries agroalimentaires (ITIAA). En 2004, j’ai organisé un séminaire
sur les produits à base de viandes halal qui a rassemblé un grand nombre d’acteurs. En 2006,
j’ai participé à la rédaction d’un ouvrage intitulé « les produits carnés halal » édité chez Maé-erti.
La mission d’accompagnement des industriels dans le domaine a cessé avec l’arrêt du CTSCCV.
En intégrant par la suite l’ADRIA Normandie (Institut Technique Agro-Industriel labellisé
par le ministère de l'Alimentation, de l'Agriculture et de la Pêche) j’ai pu redéployer
mes compétences dans les missions d’accompagnement des industriels tant sur le plan
de la connaissance des exigences que sur les aspects scientifiques et technologiques.
L’ADRIA NORMANDIE est un centre de conseil technique basé en Normandie, partenaire
des industries agroalimentaires pour la maîtrise de la qualité et de l'innovation. Elle mobilise
les compétences de spécialistes pour proposer des prestations dans les domaines de la sécurité
et la qualité des produits alimentaires, l'évaluation sensorielle, le conseil et l'assistance technologique,
la recherche et l'innovation, la veille scientifique, technique et réglementaire.
2-0u commence et ou finit la contamination croisée ? Selon les professionnels il est difficile
voir impossible de produire sur une même chaine ? un même lieu ? des produits halal
et des produits a base de porc ?
En agroalimentaire, la définition d’une contamination croisée est appliquée principalement
à la contamination microbiologique d’un produit « sain » par des germes pathogènes au travers
de la matière première, du personnel, de l’eau, de l’eau de condensation, d’ustensiles, d’installations, d’emballages,…. Nous pouvons constater que cette définition est parfaitement adaptable à tout type
de contamination (allergènes par exemple) ou aux produits halal.
C’est pourquoi, j’incite les industriels à prendre en compte le risque halal comme étant un risque
d’« allergène spirituel ». Et pour cela, je m’appuie sur le guide méthodologique d’application HACCP
sur la gestion du risque « allergène alimentaire » dont l’ADRIA Normandie est l’auteur.
La mise en place d’un produit halal, au même titre qu’un produit sans allergène ou qu’un produit bio,
impose de nouvelles exigences pour l’entreprise.
Le risque de contamination croisée d’un produit alimentaire halal est donc évalué sur :
- la formulation : liste des matières premières entrant dans le produit
- la planification de la production
- la fabrication du produit (de la réception au conditionnement) : pertinence et
exhaustivité des étapes ou lieux de contaminations croisées possibles.
- la gestion du personnel : formation, pause, changement de poste,…
- le système de nettoyage : équipes, produits, modalités, vérification de l’efficacité,…
L’ADRIA Normandie possède une compétence en gestion de l’hygiène des équipements
via un docteur en génie des procédés. Ses missions concernent la validation de l’efficacité d’un plan
de nettoyage & désinfection et des tests d’autocontrôle (équipement, environnement,…),
l’amélioration du niveau de maîtrise hygiénique en atelier, la conception hygiénique et nettoyabilité
des équipements (référentiel EHEDG) : cahier des charges, audit d'équipement, évaluation sur boucle d'essais. Ainsi, les compétences de mon collègue sont donc une valeur ajoutée supplémentaire
dans le domaine du halal.
3- Technologie et alimentation , cauchemar ou solution pour le consommateur ?
Nous transformons tous des aliments lorsque nous préparons les repas pour nous-mêmes et notre
famille et quasiment tous les aliments subissent une transformation avant d’être prêts à consommer.
De nos jours, les consommateurs musulmans comme tous consommateurs réclament et apprécient
des aliments nutritionnellement acceptables, sûrs d’un point de vue microbiologique, pratiques et variés.
Les innovations technologiques dans le domaine de la transformation ont permis de diversifier considérablement l’offre que nous trouvons actuellement dans les rayons de nos supermarchés.
Les méthodes de transformation rendent tout cela possible. Dans la fabrication alimentaire
à grande échelle, la transformation implique l’application de principes scientifiques et technologiques ralentissant ou freinant les processus naturels de décomposition en vue de la conservation des aliments.
Elle permet aussi de modifier la qualité gustative des aliments d’une manière prévisible et maîtrisée.
La transformation s’appuie également sur le potentiel créatif de l’entreprise de transformation
pour transformer des matières premières brutes en aliments savoureux attractifs qui introduisent
une diversité intéressante dans le régime alimentaire des consommateurs.
Sans transformation, il serait impossible de satisfaire les besoins des populations urbaines
modernes et le choix d’aliments serait limité par les saisons.
Parallèlement à cela, il est important pour le consommateur musulman de pouvoir avoir
une garantie de la consommation licite du produit qu’il achète.
Ainsi, dans certains cas, il est technologiquement possible de substituer certains ingrédients
ou additifs haram par des ingrédients ou additifs halal. Mais cette substitution aura un impact
sur l’aspect qualitatif (texture, goût,..) de certains produits. Par exemple, pour substituer
la gélatine animale haram, l’industriel a un large choix parmi les gélifiants naturels d’origine végétale
qui ont chacun leurs caractéristiques, des solubilités différentes et des propriétés liantes propres
qui font qu’ils sont ou non utilisés dans un produit alimentaire. Mais tout n’est pas substituable,
ainsi différentes catégories alimentaires ne pourraient être consommées comme, j’utilise exagérément
un produit apprécié des consommateurs non musulmans, le boudin noir dans lequel il est impossible
de substituer le sang utilisé pour sa fabrication.
Comme on peut le constater la technologie au service de l’alimentation est source de solutions
pour présenter des produits conformes aux exigences des produits halal tout en garantissant
une salubrité et une qualité de produit.
Le doute (« cauchemar ») peut intervenir à partir du moment où les informations partielles,
pas suffisamment précises ou sorties de leur contexte sont véhiculées par les médias
aux grands publiques.
Nous sommes dans le domaine du technique et du scientifique, ainsi, la diffusion des savoirs
ne doit pas viser uniquement à transmettre de l'information, c'est-à-dire à renseigner de façon
ponctuelle et plus ou moins extérieure, plus ou moins schématique, plus ou moins simplifiée
sur des domaines spécifiques. Elle vise également à favoriser une « culture scientifique »
de la société en tenant compte de divers publics et à différents niveaux de technicité.
L’objectif est de diminuer la distance entre les « experts » et la société afin de permettre
à cette dernière de développer son sens critique et son jugement .
Les produits carnés halal
Charcuteries et préparations bouchères
Auteur(s) : Ahmed Daoudi , Jean-Claude Frentz , Jean-Luc Martin , Leïla Mekhtiche
Editeur : Maé-Erti
Nombre de pages : 492 pages
Date de parution : 09/02/2006
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